Le 25 juin 2014, la Cour suprême du Canada a publié une décision sur l’affaire Nation Tsilhqot’in c. Colombie–Britannique [2014] 2 R.C.S. 256 et a reconnu le titre aborigène de la Nation Tsilhqot’in sur 1750 km2 de son territoire traditionnel. Le titre aborigène est une forme de propriété et de compétence particulières aux Premières nations (sui generis). Toutefois, la cour n’a pas précisé la manière dont les titres aborigènes et toutes compétences connexes seraient mis en œuvre. Par conséquent, cette décision a créé quatre types d’incertitude économique :
- Droits de propriété : L’interaction entre les titres aborigènes et tous les droits de propriété de superficie et, très probablement, de subsurface existants est incertaine. Les régimes d’enregistrement des titres modernes (Torrens et des actes) ne permettent pas d’enregistrer les titres aborigènes, ce qui crée encore plus d’incertitude en ce qui concerne les droits de propriété existants sur les terres pour lesquelles un titre aborigène est revendiqué. Le résultat est que l’on ne peut pas mettre un titre aborigène en gage à la banque et qu’il est plus difficile d’obtenir un financement pour des terres visées par une revendication de titre aborigène.
- Compétence : Sur les terres visées par un titre aborigène, il y a de l’incertitude en matière de compétence, du moins, en ce qui concerne les ressources, les terres, les citoyens et l’imposition. Par exemple, les impacts potentiels d’une compétence des Premières nations en matière de recettes sur les terres visées par un titre aborigène concurrente avec la compétence provinciale en matière de perception de recettes causent une incertitude quant aux coûts pour les investisseurs potentiels. Un certain nombre d’autres compétences concurrentes, comme l’enregistrement foncier, peuvent également exister sur les terres visées par un titre aborigène, ce qui contribue également à cette incertitude.
- Fiscalité : L’incertitude quant à la compétence et au droit de propriété cause deux types d’incertitude fiscale. En premier lieu, les gouvernements (et plus particulièrement les provinces) comptent sur les recettes qu’ils perçoivent sur les terres visées par un titre aborigène et à partir des investissements proposés sur ces terres pour mettre en application des règlements, offrir des services et construire des infrastructures. La réduction de ces recettes pourrait nuire à la qualité de ces services. En deuxième lieu, le cadre fiscal actuel ne tient pas compte de la compétence liée aux titres aborigènes, de sorte que les recettes auxquelles les provinces renonceraient potentiellement ne sont pas abordées dans les programmes de transferts fédéraux‑provinciaux.
- Gouvernance : Les titres aborigènes sont détenus par des groupes de Premières nations. Par conséquent, les détenteurs des titres doivent élaborer des structures de gouvernance différentes de celles imposées par la Loi sur les Indiens. L’établissement de la légitimité culturelle et politique de ces structures de gouvernance représente un défi considérable en matière de leadership et d’administration pour plusieurs Premières nations.
Les chefs des Premières nations, les cabinets d’avocats autochtones et certains universitaires suggèrent que cette décision s’applique à toute Première nation n’ayant pas signé de traité datant d’avant la Confédération ou plus récent. Compte tenu de cela, l’ITFA pourrait servir d’option raisonnable pour mettre en œuvre les titres aborigènes. Si une Première nation décidait de participer à l’ITFA, des terres visées par un titre aborigène pourraient lui être transférées, et un régime de droits de propriété échangeables détenus en vertu d’un registre de titres Torrens autochtone national pourrait être établi sur le titre aborigène sous‑jacent. Dans ce contexte, l’utilisation de l’ITFA réduirait les quatre types d’incertitude sur les terres visées par un titre aborigène et faciliterait l’investissement, en établissant des droits de propriété individuels garantis, en facilitant l’enregistrement efficient des intérêts fonciers en vertu d’un régime d’enregistrement Torrens, en permettant le financement fondé sur le droit de propriété, et en établissant un cadre de titres fonciers pour appuyer les compétences des Premières nations en matière d’impôts et de services.
De plus, ce régime pourrait respecter les éléments de la décision sur l’affaire Tsilhqot’in, puisqu’il est facultatif, exige le consentement de la collectivité, transfère le titre à la Première nation et protège le titre sous‑jacent.